Aujourd’hui, mardi 16 janvier 2007, Imrinn a 4 mois et demi.
Les premières semaines, comme tous les bébés du monde, elle voyait mal le monde qui l’entourait, et pour parler carrément, elle ne voyait rien du tout. La quasi intégralité de sa perception du monde passait par l’audition. Hyper sensible au moindre bruit, elle voyait par ses oreilles. Et progressivement, la lumière vive qu’elle fixait obstinément a fini par lui montrer des formes et des couleurs qu’elle ne pouvait discerner auparavant, mais qui maintenant prenaient un sens.
Elle observe maintenant le monde de ses grands yeux avides. Jamais étonnée, jamais surprise, tout est toujours normal, même l’incongru. Elle finit par bien discerner ses parents, les reconnait de mieux en mieux, et dans un immense sourire, dans un grand rire encore muet, nous accueille au réveil le matin. Le soleil se lève pour elle.
Jolie et pure comme un ange, elle n’a encore jamais pu faire de mal à qui que ce soit. On se surprend à rester plantés là à la regarder, émerveillés devant son regard franc, direct et honnête, plein d’une confiance aveugle, on est là les bras ballants, comme des idiots, à lui parler du fond des yeux, qu’elle ne détourne jamais.
Elle semble parfois comprendre les choses avec une singulière acuité qu’on ne prête jamais aux petits. Les adultes infantilisent toujours les enfants. Et ça nous rappelle d’anciennes sensations qu’on avait oublié, des souvenirs simples si anciens, si évident, qu’on doute qu’ils soient nôtres, et pourtant, pourtant on revit de brefs flashs de notre enfance, ces premiers moments hyper personnels. On n’oublie rien, on enterre les souvenirs sous d’autres souvenirs, c’est tout. On peut tout retrouver. Ceux qui disent qu’on oublie les premières années de sa vie disent des conneries, on garde tout.
Imrinn regarde ses mains et essaye d’interagir avec ce qui l’entoure. Elle se trompe tout le temps et s’énerve contre elle même, mais fait des petits progrès à chaque fois. Alors on l’aide un peu, on lui explique. Elle essaye de comprendre, ça se voit. Elle fait des efforts, écoute souvent attentivement, et tient compte de ce qu’on lui explique. C’en est réellement surprenant, on reste souvent incrédule, et pourtant c’est là, sous les yeux. L’homme reste une surprenante machine à apprendre. Le cerveau humain est une sorte de machine d’analyse statistique qui cherche en permanence la cohérence dans le chaos, là où au premier abord il n’y a rien. En isolant de plus en plus ces éléments cohérents, il les mets bout à bout et en extrait une certaine logique, construit intuitivement quelque chose qui ressemble à des ‘lois’.
Imrinn pleurait souvent, elle ne voulait jamais dormir. En général un bébé dort de 16h à 20h, elle, c’était 10 ou 12h à tout casser (heureusement la nuit, pour le plus grand bonheur de ses parents). Il nous a fallu du temps pour comprendre qu’elle refusait de dormir quand il se passait quelque chose autour d’elle, même pas grand chose, une présence, un peu de lumière. En la mettant dans son lit quand elle se frotte les yeux comme font les personnages de dessins animés, elle s’endort brusquement quand on l’allonge et qu’on fait un peu d’ombre, non sans un dernier cri pour la forme. Mais il ne faut pas rêver, 45 min ou 1h plus tard, c’est le retour du poussin, qui ne comprend décidément pas comment elle s’est retrouvée dans son lit. il y a tant de choses à voir, ne perdons pas de temps !
La semaine dernière, elle a sorti son premier rire lorsque je lui ai chatouillé le bidon. Elle s’est arrêtée d’un seul coup, soudain surprise de ces étranges sons saccadés sortant involontairement de sa bouche. Tiens, encore un truc bizarre !
